« Holà voyageur ! C’est à vous ? »
Ce jour-là, alors que la lumière allait déjà en déclinant peu à peu et que j’étais en train d’arpenter les bois, luttant contre les ronces se prenant dans ma cape, je n’avais pas vraiment prêté attention aux environs. Mes yeux trop occupés à tenter de voir où je posais les pieds n'avaient paradoxalement pas capté les très discrètes empreintes de pas que l’on pouvait apercevoir ça et là, leur auteur avait donc totalement échappé à ma vigilance.
Debout, près d’un arbre que j’avais dépassé peu de temps auparavant, il tenait à la main un petit récipient de verre scellé par un bouchon de liège, le détaillant du regard. De haute stature, l’air amusé, il semblait vêtu de haillons, bien qu’il me semble me souvenir qu’une certaine noblesse émanait de lui. Sa cape râpée et ses bottes usées indiquaient clairement qu’il était du genre à arpenter la lande sans relâche. L’observant, j’en vint à me demander s’il n’était pas de ceux qu’on appelle hommes de l’Ouest. Fins observateurs, se transmettant leur savoir séculaire oralement de générations en générations, ils connaissaient les étendues sauvages comme personne, et se montraient aussi bien capables de se dissimuler à la vue de tous que de pister leur cible sur des lieues en se basant sur l’observation d’indices échappant au commun des mortels.
« Serait-ce de la feuille de roi ? » Me demanda-t-il, confirmant par là même mon idée.
Réalisant que je n’avais pas répondu à sa précédente question, je lui souris.
« Vous avez l'œil ! Non seulement je n’avais pas remarqué votre présence, ni la perte de ma fiole, mais en plus vous avez reconnu l’ingrédient qu’elle contient… Vous m’avez tout l’air d’un fin connaisseur. Après une courte pause, hésitant, je lui demandais alors : seriez-vous un homme de l’Ouest ?
- Votre politesse vous honore ! fit-il avec un léger rictus. D'aucun nous nomment Rôdeurs et j'ai pris le parti d'endosser cette appellation, elle éloigne les méfiants et me laisse tout le loisir d'échanger avec ceux qui savent qui nous sommes vraiment. ajouta-t-il, l’air amical, en me tendant le flacon qui avait chu de ma ceinture. »
Il s’enquit alors des ingrédients que j’avais pu collecter jusque là. Intrigué par mon travail, il me proposa aimablement de me faire découvrir les propriétés de certaines plantes de la région dont les vertus m’étaient inconnues. Nous nous mîmes donc en route, profitant de notre vagabondage pour faire plus ample connaissance. La conversation fut si passionnante que la nuit nous rattrapa, alors que nous explorions encore les environs. Il était grand temps de nous replier vers une auberge..
A la lueur vacillante des flammes dansant sur les poutres en bois sombre qui garnissaient le plafond, se dévoilait une vaste salle à l’atmosphère douce et invitante où le feu crépitait joyeusement dans une cheminée de pierres anciennes. Des lanternes, suspendues aux murs, projetaient des ombres mouvantes sur ces derniers recouverts de tapisseries usées par le temps, quoique ornées de riches motifs. Entre les tables, en bois massif, éparpillées un peu partout, s’affairait le tavernier, passant de l’une à l’autre pour servir les voyageurs qui s’étaient arrêtés là pour la soirée.
C’est sur l’une d’elles, située non loin de l’âtre, que nous nous installâmes, humant le fumet du ragoût qui devait mijoter quelque part et prêtant l’oreille aux éclats de rires et aux bruits de conversations autour de nous. Bien vite, nous joignîmes nos voix aux autres, échangeant joyeusement sur nos aventures respectives. Quiconque serait passé par là aurait vu deux compères, portés par la chaleur du feu et les souvenirs partagés, leurs intonations s’élevant parfois, avant de retomber dans un murmure complice. Nous restâmes là un long moment.
Avant de finalement prendre congé pour nous diriger vers nos chambres personnelles, nous échangeâmes quelques derniers mots. Ce fut pour moi l’occasion d’inviter ce nouvel ami à venir visiter mon atelier si d’aventure ses pas venaient à le mener à proximité de mon logis, afin que je puisse partager mon savoir avec lui, comme il l’avait fait avec moi plus tôt ce jour-là.
Vous l’aurez compris à travers cette petite présentation, cette chronique est l’occasion de revenir sur un projet très particulier ! Réalisé à l’initiative de Benjamin Tantot, qui souhaitait renouer avec ce type de production, il s’agit d’un docu-fiction qui explore les origines de la Fabrique aux Dragons et mon quotidien de créateur.
Le temps d’un week-end, j’ai donc eu le plaisir de rencontrer ce talentueux photographe et vidéaste normand qui a pu me suivre dans mon atelier, en forêt ou au milieu des ruines…
Au-delà de la chance de travailler avec quelqu’un d’aussi passionnant, je garde le souvenir d’une belle rencontre. Entre délires de bons potes et émerveillement à la découverte de la magie de certains plans, ce fut un tournage des plus mémorables, rendu possible par la gentillesse de mon hôte et le précieux concours de Delkinn qui m’a aidé à rédiger une partie de la voix off. Je vous laisse donc découvrir ce reportage !
LE DOCU-FICTION
Et si vous en voulez encore, jetez donc un œil à ce making of, il semblerait même qu’il contienne un petit bêtisier !
LE MAKING OF
Pour découvrir toute l’étendue du talent de Benjamin, rendez-vous sur sa chaîne Youtube, “Derrière la Caméra” !
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