Il est des soirs où les bruits du monde semblent se taire et où les pensées, comme suspendues dans l’air frais, se laissent emporter par le vent. C’est une sensation étrange, mais parfois agréable, que d’être seul dans une auberge perdue au creux d’une vallée, loin des préoccupations mondaines. Ce soir-là, après une journée de cueillette, la morsure du froid hivernal et les flocons qui tombaient dru m’avaient contraint à chercher refuge dans l’une d’elles, que l’on m’avait décrite comme accueillante bien que peu fréquentée. C’était une taverne assez commune, néanmoins, ce n’est point par hasard que je m’y étais établi. On m’avait, en effet, parlé de quatre illustres sorciers de la région, qui avaient plaisir à s’y installer de temps à autre. Leurs noms étaient audibles dans tous les recoins du village, comme une rumeur persistante pour ceux qui savaient y prêter attention. Leur renommée était loin d’être usurpée puisqu'il s'agissait là des fondateurs d’une vaste école de magie dont la réputation au sein de leur communauté n’était déjà plus à faire !
Je m’assis donc, non loin de la cheminée, quelques fioles posées devant moi aux côtés de divers parchemins, un petit travail en cours et l’esprit en quête de réponses, mon attention captée par ma tâche, malgré la chaleur - un brin entêtante - du feu.
Peu à peu, l’auberge se fit plus fréquentée. Je continuai mon travail, à peine distrait par les conversations des autres convives, que je n’écoutais que d’une oreille. Il ne fallut pas longtemps pour que les illustres personnages que j’évoquais précédemment fassent leur entrée alors que, machinalement, je levai la tête en entendant la porte s’ouvrir. Un homme à la carrure solide, vêtu de rouge, ouvrait la marche, l’air conquérant, affublé d’un chapeau rapiécé et déchiré près d’un de ses bords, posé sur ses épais cheveux mordorés. Il adressa un signe à l’aubergiste, ponctué d’un franc sourire que même son épaisse barbe ne parvint pas à cacher. Derrière lui, vint une femme à la vêture bleue et à la longue chevelure brune. Elle adressa également un sourire, plus énigmatique, à l’aubergiste, tout en observant d’un œil vif l’assemblée des voyageurs du jour. Enfin arrivèrent leurs derniers compagnons, une femme aussi rousse que replète et un homme émacié dont l’impressionnante barbe descendait jusque sous sa ceinture. Ils ne prêtèrent guère attention aux environs tant ils étaient absorbés par leur discussion, aussi suivirent-ils les deux premiers, leurs robes jaunes et vertes flottant dans leur sillage. Les quatre individus s’assirent à une table en retrait, leurs voix s’élevant parfois, mais toujours de manière contenue, comme si chaque mot avait un poids plus grand que les autres.
Ce n’est qu’après un moment que l’un d’eux, la belle femme au regard aiguisé et au sourire discret, s’approcha de ma table. Tout absorbé que j’étais par mes opérations, je n’avais pas remarqué que depuis quelques minutes, elle m’observait en silence, aussi, n’eus-je pas le temps de réagir, qu’elle avait déjà entamé la conversation. Aimablement, et visiblement motivée par un intérêt qui ne semblait pas feint, elle m’interrogea sur les manipulations qui m’occupaient, me demandant si j’étudiais une potion en particulier ou les propriétés d’un ingrédient parmi d’autres. Je lui répondis que j’étudiais les deux à la fois et elle s’installa à ma table. Je ne me souviens malheureusement plus des propos exacts que nous échangeâmes, aussi vous m’excuserez si je me contente de ne retranscrire ici que l’impression gardée de cette conversation qui fut des plus agréables. La seule chose dont je me souviens très clairement, au-delà de son ton empreint d’une sagesse tranquille, c’est ma stupéfaction et mon admiration à la découverte de la finesse d’esprit et de l'abondance de connaissances pointues dont disposait mon interlocutrice. J'eus grand plaisir à débattre avec elle et à apprendre de nouvelles choses ! Nous fûmes rapidement rejoints par ses acolytes et la discussion dura longuement, comme c’est souvent le cas lorsque des passionnés échangent. Cependant, la fin de journée étant là, ils me proposèrent de poursuivre nos discussions le lendemain et d’en profiter pour visiter leur établissement. Ils prirent donc congé et repartirent dans le froid, luttant contre le vent et les flocons qui continuaient de virevolter et se dirigeant vers l’imposant château qui se dressait plus haut.
Après un sommeil réparateur, je me levai frais et dispo. L’auberge était calme, la plupart des voyageurs restés dormir étaient vraisemblablement déjà partis. Aussi, j’entrepris de terminer mes travaux de la veille, puisqu'il était convenu que je ne me mette en chemin qu’en fin de matinée pour me porter à la rencontre de mes nouveaux compères.
Quand le moment fut venu, je récupérai mon paquetage et me rendis au dehors. Là, je devinai à la découverte de l’epais manteau blanc qui recouvrait les chemins et la végétation, que les flocons avaient continué à tomber une bonne partie de la nuit et n’avaient cessé qu’au petit jour. La journée était claire et le ciel arborait la couleur caractéristique du froid sec de l’hiver tandis que la lumière du matin, pâle et franche, effleurait les toits de l’auberge, en soulignant la silhouette des cheminées fumantes qui se perdaient dans l’air glacial. Autour, tout était calme et les arbres, figés sous le poids de la neige, semblaient suspendus dans le temps. Prenant une grande inspiration, emplissant mes poumons d’air vivifiant, je fis quelques pas sur le sentier étroit, mes bottes s’enfoncant dans la poudreuse encore immaculée.
L’air, piquant et glacé, me mordait le visage tandis que je progressais. À l'horizon, se dessinait la silhouette du château, massive et impressionnante. Ses murs de pierre grise semblaient surgir des entrailles de la montagne elle-même, à la manière d’un géant endormi et ses tours s'élevaient vers le ciel comme des sentinelles coiffées de givre. La bâtisse semblait défier le temps.`Le chemin qui y menait, serpentant entre des arbres dénudés, se perdait dans la blancheur infinie.
Le silence, presque irréel, n'était brisé que par le craquement de la neige sous mes pas. Je m’avançais, mes pensées occupées par le souvenir des conversations de la veille.
Enfin, alors que je m'approchais des grandes grilles gardant l’entrée de la cour du château, un frisson me parcourut, provoqué par la sensation d’être sur le point de pénétrer un monde à part.
Vous me pardonnerez, j’espère, mon incapacité à vous retranscrire par des mots l'émerveillement qui fut le mien lorsque, passant les larges portes de chêne, je découvris le majestueux hall d’entrée de l'édifice. Les mots me manquent également pour décrire avec justesse les multiples salles que mes hôtes me firent découvrir, les trésors de savoirs qu’elles renfermaient ou encore les étonnants escaliers mouvant qui les desservaient, prouesse aussi bien architecturale que magique.
En mon fort intérieur, j'espérais avoir l'opportunité de pouvoir parcourir les lieux de manière bien plus approfondie. Il était certain que plusieurs jours ne s'avèrent qu'à peine suffisants pour commencer à en explorer les mystères. Je n’eus cependant pas besoin d’en formuler la demande. En effet, les fondateurs avaient une idée en tête lorsqu'ils m'avaient convié, la veille, à les rejoindre pour une visite. A la recherche d'un intervenant à même d'assurer, ponctuellement, certains cours à leurs étudiants, ils avaient estimés que mon profil pouvait correspondre à leurs besoins. Aussi me proposèrent-ils d'initier certains de leurs élèves, les plus âgés, aux rudiments de l'alchimie. Durant cette brève période, en plus d'avoir le plaisir de partager quelques unes de mes connaissances, j’eus tout le loisir d’explorer le château et d’échanger sur des sujets passionnants avec les différents enseignants de l’école. Ce fut une expérience des plus enrichissantes qu'il me faudra peut-être un jour vous conter !
Cette collection est composée de 4 œufs de taille moyenne et d'un œuf plus imposant.
La mise à jour de la boutique aura lieu le 15 janvier à 20h30.
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